Mars 2010, chaque jour, depuis la fenêtre de ma chambre :
Voir passer les silhouettes lentes des pensionnaires à travers les vitres de la maison d’en face. Voir les visages pâles, rétrécis par la distance, dans le flou des carreaux. Apercevoir parfois, en surimpression, le ciel et les nuages. Assister à la progression d’une chaise roulante. Voir les rideaux tirés à de nombreuses fenêtres, le reflet vert des feuilles sur les vitres. La statue d’un joseph ou d’une marie dans le jardin. Le ralenti des dominos sur la terrasse.
Penser à Alice, à Vera, à Madame-ci, à Monsieur-là, aux aides-soignantes. Aux phrases qu’il faut articuler, à la voix qu’il faut forcer. Aux téléviseurs allumés. Aux repas broyés au mixer. Au chariot qui passe avec le café et les gaufres molles. Aux portes fermées avec le nom de l’occupant inscrit dessus; et puis plus. Aux couloirs immobiles dans le temps, juste le panneau « aujourd’hui, 1er mars 2010, lundi, hiver » qui change…
Juillet 2013, à Dar es Salaam :
Aujourd’hui, dans ce carnet que j’emportais avec moi à la Maison S.J., je retombe sur cette page, où, pour répondre à la question qui m’était posée, j’avais écrit sur toute la largeur en lettres majuscules, dans un effort probable pour me rendre lisible à défaut de pouvoir me faire entendre :
SOLINE
HAROLD CATHERINE
= PAPA = MAMAN
JE SUIS ICI EN VISITE.