Je lui demandais des nouvelles de sa nièce, Mara. Elle m’a dit, après un instant de silence: « Son père l’a reprise ».
Mara va entamer ses études secondaires, à quatorze ou presque quinze ans. L’école lui réussit. Je ne l’ai plus vue depuis longtemps, mais je sais que ce n’est plus une enfant, peut-etre déjà une femme. Sa grande soeur – dada mkubwa, la soeur aînée de sa mère – m’avait soufflé: « Je ne veux plus la laisser seule trop longtemps. Elle atteint l’âge où c’est dangereux. Les hommes… »
Son père a flairé l’aubaine. Il est venu l’enlever à sa tante, qui élève, nourrit, soigne Mara depuis qu’elle a deux ans. Il l’a reprise. Bientôt, Mara sera une fille à marier. Pour laquelle une dote devra être versée. Avant, ce n’était qu’une enfant, une bouche à nourrir, des frais scolaires à débourser.
« – Et tu ne peux rien faire?
– C’est son père… me répond-elle à mi-voix »
Ce qui sonne non pas tant comme une évidence que comme la reconnaissance voilée d’une fatalité.
Quelques jours plus tard, pourtant, quand je reprends des nouvelles de Mara: « Elle est revenue. J’ai forcé sa mère à parler avec cet homme, à le convaincre de la laisser revenir vivre avec moi. » Un sourire, à peine, ponctue la réponse. Mais derrière lequel on perçoit l’éclat d’une victoire, d’une évidence tranquille.