Brindilles

De brindilles, il est possible de tresser un nid ou d’allumer un feu. Leur collecte exige de conjuguer la déambulation à une attention pleine, vive, détournée d’elle-même. Marcher sans itinéraire préconçu, sans être guidée par autre chose que la trouvaille suivante, et celle d’après, et celles qui viendront. Pour, de ligne en ligne et d’un instant à l’autre, être présente à ce qui, dans le même mouvement, apparaît et se révèle. C’est espérer trouver, dans leur fragile architecture, l’agencement juste, équilibre subtil d’air et de matière, qui permette le surgissement de la flamme, l’éclosion ou l’envol. Brindilles glane ces petits riens de l’existence, sensations, paroles, présences, dont la force de rayonnement, au demeurant insoupçonnée, est ici combustible, dispensant une lumière qui éclaire sans éblouir, dévoilant une vie à fleur de souffle, ardente et déliée.

Quand sera-t-elle "grande", Soline de Laveleye ? On dirait jamais. On espère : jamais, car les BRINDILLES qu'elle observe ou qu'elle recueille (c'est le nom de son dernier livre de poèmes, tout juste paru au "Cormier"), ces "brindilles" ne sont presque rien, presque rien du tout : des petites symphonies verbales, jamais avortées, mais toujours présentes : brèves, déliées et intenses. De l'enfance, donc; de la poésie, quoi...

C'est bête de dire d'un livre de poèmes que son contenu est poétique, mais ce n'est, au fond, pas si fréquent. On lit les poèmes de Soline comme on s'écarquille devant Pierre Reverdy.

C'est beau, parce que cela prend des choses connues pour les mener vers l'inconnu. Mais, ici, si une part de mystère est hautement préservée, rien ne tombe dans le sibyllin ou dans l'abscond. Au contraire : la poétesse ose lire le monde avec naïveté, pour le conduire ensuite, tout simplement, vers sa part de lumière cachée, vers son mystère.

Il ne faut pas en dire beaucoup plus. Lisez ce livre, et les "brindilles" de notre monde vous recoudront très simplement.